Aujourd'hui, je vais vous parler des asperges.
Je passerai rapidement sur les asperges de jardin, on n'en avait pas dans le nôtre, mais on en achetait souvent. Elles m'ont manqué à Reims, les premières années (j'y suis arrivée en 1978) : ils ne connaissaient que les blanches ou violettes qui n'ont jamais vu le soleil, les pauvres, et qui n'ont pas de goût. Et puis, peu à peu, j'ai commencé à en voir sur le marché, elles se vendaient à prix d'or, mais je me payais ce petit plaisir de temps en temps. Ces dernières années, il y en avait autant que les autres, mais c'est quand même resté un produit très cher.
Les asperges sauvages :
J'ai eu une éducation catholique (comme presque tout le monde à LP à l'époque), j'ai fait ma communion privée, ma confirmation, ma communion solennelle (comme on disait alors), j'ai continué en appartenant à la chorale de la paroisse (on était 2, avec Claudine, en tout et pour tout + l'harmonium tenu par Mme Sala), j'ai été catéchiste pendant 13 ans à Reims, bref ! tout ça pour dire que les omelettes d'asperges sont une des choses pour lesquelles je me damnerais !
Mes grands-parents Targa étaient dans leurs vignes tout le temps : quand je rentrais de l'école un jour (mi ou fin février) et que je voyais sur le rebord de l'évier un verre plein d'eau et une petite botte d'asperges dedans, je savais où on allait passer les prochains dimanches, jusqu'à Pâques environ : en garrigue à cueillir des asperges. C'était le champ de tir, Issanka, ou plus loin. Et le jeudi après-midi, la collinette ou les 4 Pins, le tour des vignes...
Rien ne m'a jamais rebutée : ni les égratignures sur les mains, les avant-bras, le visage même, ni les quelques queues de serpent furtives, ni les fossés, ni les talus. C'était une passion, et de les cueillir et de les manger.
L'omelette d'abord, mais aussi les petites bottes qu'on liait avec de la ficelle et dont on coupait très régulièrement les queues, bouillies et en vinaigrette, et puis la soupe avec l'?uf monté.
Mon oncle et ma tante Ricard m'en ont envoyé chaque printemps à Reims en colissimo, mais elles arrivaient un peu (ou beaucoup) défraîchies (s'ils avaient raté leur coup et qu'il y avait eu un week-end au milieu). Et ce n'était pas pareil que d'avoir eu le plaisir de les cueillir.
J'ai retrouvé ce plaisir de la cueillette pendant les 3 ans que j'ai passés dernièrement dans les Pyrénées-Orientales. En faisant des courses en plein centre de Perpignan, je vois un marchand d'escargots, et dans un seau, des asperges sauvages. Je branche bien sûr le monsieur et je lui demande s'il en vend, vu que la garrigue autour en est pleine. "Les Anciens ne peuvent pas se déplacer, ce sont eux qui m'en achètent".
Eh oui, il faudra que je passe ma retraite bien au sud.
Cette saleté de Christine me fait des textos chaque printemps : "je promène mes chiens et je cueille des asperges". Le mois dernier, avec la belle arrière-saison qu'on a eu, rebelote : "devine ce que je suis en train de cueillir !".
Elles sont très appréciées depuis quelques années dans la grande cuisine. Sur internet, il y a des tas d'articles et de recettes. Une juste reconnaissance de leur excellence.
L'enfant est le père de l'homme (William Wordsworth)