On n'avait pas besoin de grand-chose !
Avant que ma mère passe son permis (1964), on n'allait à Sète que pour s'habiller (à chaque changement de saison, parce qu'on grandissait et qu'on ne pouvait pas remettre les vêtements de l'année précédente), pour aller chez le dentiste (j'ai bénéficié des débuts de l'orthodontie, appareils en haut et en bas, il m'arrivait de faire des bulles en parlant) et c'est tout.
On prenait le car devant la pharmacie, ma mère mentait régulièrement sur mon âge pour payer moins cher, parce que j'ai toujours été petite pour mon âge et je faisais la tronche à chaque fois.
Ma grand-mère Targa allait au marché à Frontignan tous les jeudis pour ramener du cheval, des tripes, des "baldanes" (chapelet de petits boudins noirs avec des morceaux de gras).
On avait tout le reste au jardin : poules, lapins, canards (à une époque), fruits, légumes.
On m'envoyait aux docks ou chez Pibou pour le fond d'épicerie (sucre, huile...).
On n'est jamais allées à Montpellier.
Quand le 1er Mammouth a ouvert, Martine y est allée avec ses parents et m'a raconté que ça avait la forme d'un mammouth, qu'on se retrouvait dans l'oreille ou la trompe, etc. J'ai toujours gobé tout ce qu'elle me disait et j'ai tanné ma mère pour qu'elle nous y amène. La déception ! Mais je ne lui ai pas retiré ma confiance.
Une chose dont j'avais horreur : le jardin donnait bien et ma grand-mère laissait la porte sur la traverse ouverte, avec un cageot sur une chaise et le surplus dedans. Elle me faisait traverser la route et me demandait de passer devant chez Chabert sans avoir l'air de rien et de mémoriser les prix des tomates, haricots verts, bref, de ce qu'elle avait à vendre. Comment voulez-vous avoir l'air de rien à LP en regardant la devanture quand vous êtes haute comme 3 pommes ? Si encore il y avait eu des vitrines après, mais là, rien ! Quand j'avais tous les renseignements en tête, je revenais, sans avoir l'air de rien, Mamé me disait quand je pouvais retraverser et elle écrivait sur une ardoise (elle ne savait pas écrire mais elle savait compter et elle connaissait les chiffres) les prix en les mettant un peu moins chers que ceux que je lui répétais.
L'enfant est le père de l'homme (William Wordsworth)